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arbres qui le couvrent au plus chaud de l’esté d’un frais et agreable ombrage. Quand la royne s’y devoit promener, les dames et les chevaliers, ou deux à deux, ou trouppe à trouppe, s’alloient entretenans qui çà, qui là, le long de ce beau rivage, sans toutefois s’esloigner, de sorte qu’ils ne la vissent tousjours, tant pour se retirer avec elle, quand elle s’en iroit, que pource qu’elle vouloit bien leur permettre une honneste privauté, mais toutesfois à sa veue.

Ce soir, car c’estoit presque tousjours apres soupper que Methine alloit prendre le fraiz de ce promenoir, Andrimarte, prenant Silviane sous les bras, l’entretenoit comme de coustume de ses affections enfantines, ausquelles elle respondoit avec des paroles si nayves, que l’enfance mesme n’en pouvoit concevoir de plus innocentes. S’esgarant ainsi parmy les arbres plus espais, ils s’assirent au commencement au pied de quelques vieux saules proches du cours de ceste riviere. Mais la jeune fille ne pouvant demeurer trop long-temps en repos, et s’ennuyant d’estre assise, s’en alla sautant vers quelques aulnes, parmy lesquels elle en choisist un de qui l’escorce tendre et polie la convia d’y graver son nom, de sorte qu’avec une esguille qu’elle avoit dans ses cheveux elle s’amusa d’y picquer les lettres de Silviane. Andrimarte