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ce qui estoit de beau et de louable, qu’il emportoit sans difficulté l’avantage sur tous ses compagnons, que toutefois il se conservoit avec tant de modestie et de courtoisie, que personne n’estoit marry d’estre surmonté de luy, et de luy ceder la gloire qui luy estoit si bien deue.

Ce fut donc en cet aage que le jeune Andrimarte jetta les yeux sur la belle Silviane, et n’estant pas une beauté qui peust estre veue par un si bel esprit que le sien, sans estre aimée, la jugeant la plus accomplie de toutes ses compagnes, il commença de la servir avec des affections enfantines, et à luy en donner les cognoissances que tel aage pouvoit luy enseigner ; elle qui ne cognoissoit pas seulement encores le nom d’amour, recevoit tous ces petits services, comme les enfans ont accoustumé de s’en rendre les uns aux autres, sans dessein. Et toutesfois, avec le temps, elle commença de les avoir plus agreables de luy que des autres, et enfin à ressentir quelque chose qui l’attiroit à parler à luy, et à estre bien aise qu’il fist plus de cas d’elle que de toutes ses compagnes, sans qu’il y eust encore ny amour ny affection de son costé. Mais, d’autant que tout ainsi que plus on demeure auprés d’un feu, plus aussi en ressent-on la chaleur, de mesme Andrimarte ne peut avoir longuement une si particuliere familiarité aupres de Silviane, sans