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que l’on voyoit par toutes les rues les tables mises, où estoient receus, et traictez tous ceux qui s’y presentoient.

Il me seroit possible de vous pouvoir redire, madame, combien estoit grande l’esperance que tout ce peuple avoit en ce jeune roy, tant pour estre fils de Merovée, duquel la memoire estoit encore si fraische que ses grandes victoires leur estoient ordinairement devant les yeux, que pour l’avoir veu luy-mesme faire de tres-genereuses actions, en suivant son pere dans les armées, et maniant les affaires publiques. Mais bien-tost il leur fit assez cognoistre que la domination est un lieu si glissant, qu’il y a fort peu de personnes qui y parviennent, et qui y puissent demeurer les pieds fermes, et sans tomber ; car peu de temps apres avoir esté couronné, il commença de mespriser les armes, et s’addonner à toute sorte de delices, ne se souvenant plus que la magnanimité, et les exploicts belliqueux de ses predecesseurs avoient aquis la domination des Gaules aux Francs, et le royaume des Francs à luy, et à ses successeurs. De sorte que l’on ne voyoit plus faire estat dans sa Cour que des mollesses effeminées, et des hommes tellement changez de ce qu’ils estoient auparavant, que la pluspart des jeunes hommes qui sous Merovée avoient commencé de s’addonner aux genereux