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moins les pleurs, qui sans cesse, comme d’une source immortelle, sont continuellement sortis de mes yeux ? O Damon ! que vous m’eussiez espargné de souspirs, de peines, de larmes, et de travaux incroyables ! Mais non, Damon, la faute n’en est pas à vous, mais à ma fortune qui vouloit que j’achetasse plus cherement le contentement de vous sçavoir en vie, de vous voir, et de vous avoir.

Apres, elle luy raconta le dessein qu’elle avoit fait de trouver ce chevalier incogneu, sans presque sçavoir pourquoy elle le cherchoit ; en effect, pensant que le destin qui conduit toute chose sous la sage providence du Grand Tautates, l’avoit ainsi ordonné, afin de pouvoir rencontrer de ceste sorte ce Damon, qu’elle alloit cherchant sous le nom d’un autre : Car, disoit-elle, j’ay opinion que si je ne vous eusse trouvé de ceste sorte, jamais je n’eusse eu le bien de vous voir, puis que vous alliez si curieusement vous esloignant et vous cachant de nous. Enfin voyez comme Dieu rapporte toute chose à son commencement : Tersandre avoit esté la premiere cause de nostre separation, et Tersandre a esté la derniere cause de nous avoir remis ensemble. Que les peines qu’il a prises à me servir et me conduire avec tant de fidelité, soient recogneues par la bonté de Bellenus au lieu où il s’en va avec cette reputation auprés