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non seulement ce qu’il avoit demandé, mais de plus tous les artifices dont Leriane avoit usé à l’advantage de Tersandre, et luy rapporta tout ce discours si naifvement, que tous ceux qui l’ouyrent, jugerent qu’il estoit veritable. Mais lors qu’elle racontoit les desplaisirs qu’elle eut de sa mort, quand Halladin rapporta à Leriane le mouchoir plein de sang et la bague de Tersandre à elle, elle ne pouvoit encores en retenir les larmes. Et puis quand elle representoit l’horreur qu’elle avoit de mourir d’une mort si honteuse, et le secours inesperé qu’elle avoit receu du chevalier du Tygre : II faut bien, disoit-elle, que nous ayons en nous quelque chose qui nous advertit des choses plus secrettes, parce que je ne vis pas si tost entrer ce chevalier, que je ne luy presse (sic !) une certaine affection qui n’estoit pas commune. Et encores que le combat estant finy, il s’en allast sans hausser la visiere, j’avoue que je l’aimay d’amour, sans l’avoir jamais veu au visage. Et cela fut cause, continuoit-elle, que je me resolus de le venir chercher du costé où il m’avoit dit. Mais cruel ! il faut bien, Damon, que je vous donne ce tiltre, comment vous en pûtes-vous aller sans me dire qui vous estiez ? Comment, m’ayant donné la vie du corps, me voulustes-vous ravir celle de l’ame ? Et pourquoy ne me fistes-vous sçavoir que vous viviez, afin de tarir pour le