Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/1116

Cette page n’a pas encore été corrigée

donné tant d’occasion de me hayr ? Est-il possible, ô chevalier, que ton affection ait eu tant de force par dessus le juste dépit que tu devois avoir conceu contre moy, qu’elle ait peu pousser ta generosité à venir sauver la vie à celle que tu devois plus hayr que la mort ? J’advoue, Damon, que tu te peux dire le plus parfait amant qui fut jamais, et moy la mieux aimée de toutes les filles du monde. Mais, chevalier, s’il est vray que tu sois ce Damon que je dis, et si les déplaisirs que tu as receus de moy, et la longue absence n’ont point changé ceste affection de laquelle je parle, pourquoy tardes-tu tant à m’en asseurer, et que ne me tens-tu la main en signe de la fidelité que je veux croire que tu m’as conservée ?

Damon alors, baisant la main, et luy prenant la sienne : Ouy, madame, luy dit-il, je suis celuy-là mesme que vous dites, et je vous promets n’y avoir en moi rien de changé, sinon que je vous aime encore d’avantage que je ne faisois. Et quelque occasion que la malice de Leriane m’ait donnée, ou que le bon-heur de Tersandre m’ait peu representer, le Ciel est tesmoin, qui a souvent ouy mes protestations, et le soleil qui a veu toutes mes actions, que jamais je n’ay peu estre approché de la moindre pensée qui eust intention de diminuer l’amour que je vous ay vouée. - J’advoue, reprit Madonte, que la trahison de Leriane vous a donné sujet de me hayr, et