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comme morte sur son visage. Damon de son costé n’en fit pas moins, de sorte que sans Halladin qui y accourut promptement, et qui se jettant en terre les appuya, sans doute ils fussent tous deux tombez.

Tersandre qui avoit aussi recogneu Damon, lors qu’il s’estoit approché, et qu’il l’ouyt parler, levant les yeux au ciel, n’ayant plus la force d’y hausser les mains. O Dieu ! dit-il, combien es-tu juste, bon et puissant ! Juste, rendant Damon à Madonte, et Madonte à Damon ; bon, voulant faire tout à coup trois personnes si heureuses, ces deux amans ayant rencontré tout le bon-heur qu’ils desiroient, et Tersandre ayant satisfait à son devoir et à sa promesse ; et puissant, ayant peu ordonner toutes ces choses lors que tous trois nous les esperions le moins. O Madonte ! et ô Damon ! soyez contens, et vivez ensemble à longues années avec toute sorte de repos et de bon-heur. A ce mot il devint pasle, et peu apres s’allongissant et tremblant, il se mit à baailler, et rendit l’esprit avec un visage qui monstroit bien qu’il laissoit cette vie avec contentement.

La Nymphe cependant et Adamas qui s’estoient advancez vers le chevalier, et toutes les autres nymphes, de mesme demeuroient estonnées, contemplans ces trois personnes qui sembloient estre aussi peu vivantes les unes que les autres. Mais Halladin qui estoit porté d’une extreme affection envers ce maistre qu’il aimoit : Si la pitié, dit-il, vous touche point, madame, je vous supplie de commander que Damon soit desarmé,