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icy. Mais je sçay que Tautates nous escoute et qu’il me fera ceste grace de ne vous laisser point seule dans ces bois si dangereux.

Il vouloit parler davantage, mais la foiblesse l’en empescha, et la bergere alors : Et quoy ! dit-elle, as-tu bien le courage de m’abandonner à ce besoin, et de me laisser seule apres m’avoir tant de fois promis que jamais tu ne partirois d’auprès de moy, que nous n’eussions trouvé le chevalier que nous cherchions ? Est-ce ainsi que tu me tiens ta promesse, me delaissant dans ces bois effroyables, sans aide, sans secours, et sans support ? - Madame, respondit le berger, ne m’accusez point de la force que le destin me faict, je proteste le Ciel et tout ce qui nous void et nous entend, que mon dessein ne fut jamais de vous esloigner que je ne vous eusse remise entre les mains du chevalier du Tigre, ainsi que vous desirez. Mais, helas ! si les destinées coupent le filet de ma vie plus tost que je n’aye peu satisfaire à ce dessein, en quoy suis-je coulpable ? et de quoy me peut-on accuser, sinon que j’ay plus entrepris que je ne meritois pas d’executer ? Mais en cela il faut blasmer le desir que j’ay eu toute ma vie de vous rendre le tres-humble service, que tous ceux qui vous voyent sont obligez de vous rendre. Or, madame, si durant tout le voyage j’ay manqué à l’honneur et au respect que je vous dois, ou au soing que j’estois obligé d’avoir de vous, je ne veux point que ce grand Tautates me pardonne mes