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mettant au devant d’elle, demeurerent en estat, qui faisoit bien juger qu’ils sçavoient bien faire autre mestier que celuy de berger. Quant à Adamas, s’approchant de la bergere, et voyant le berger qu’elle tenoit en son giron si fort blessé, avec son aide il le deshabilla pour luy bander ses playes, ce qu’il achevoit de faire, lors que la Nymphe, ayant veu la fin de ce soldurier, alloit vers Damon pour sçavoir comme il se portoit.

Le chevalier qui avoit bien veu que celuy qui l’avoit secouru estoit en mauvais estat, soudain accourut vers luy pour luy donner quelque secours, mais il trouva qu’Adamas luy avoit desja bandé ses playes, et que la bergere luy tenant la teste appuyée estoit toute couverte de larmes, et sans oster les yeux de dessus luy, pleine de douleur et de desplaisir, le voyoit tendre à la mort. Le berger sentant bien que sa fin s’approchoit, essaya deux ou trois fois de tourner la teste pour la voir, mais estant estendu de son long, et couché tout au contraire, il luy fut impossible, et toutesfois, sentant les larmes qui luy couloient sur le visage : Consolez-vous, luy dit-il, madame, et ne craignez point que celuy qui est juste Juge de tous, ne vous pourvoye de quelqu’un en ma place pour vous reconduire en vostre patrie ; j’emporte ce seul regret avec moy dans le tombeau, de vous laisser en ceste contrée, et esloignée, sans voir personne aupres de vous qui ait le soing que j’ay eu de vous servir jusques