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car je vous donneray un bon moyen pour y faire consentir et l’un et l’autre. La plus grande peine est à faire resoudre vos parens. – O Madame ! s’escria la bergere, ne vous souciez point de cela, je sçay bien ce que j’ay à faire. Vous sçavez qu’il a pleu à Dieu de me laisser sans pere, mere, ny frere ; quant à mon oncle Phocion, et de quoy se peut-il douloir de ma desobeyssance ? puis que je diray que c’est pour me mettre parmy les filles druides et puis-je estre taxée de cette resolution ? Nullement, madame, n’y ayant rien de si juste que de nous donner nous-mesme à celuy qui nous a donné tout ce que nous avons ; si c’estoit pour espouser quelque berger, on me pourroit taxer de trop d’amour, ou d’estre volontaire, mais pour me resigner en une si bonne compagnie entre les mains du grand Tautates, je ne crains point d’en estre blasmée, et seulement je vous supplie, grande nymphe, me vouloir apprendre les moyens qu’il me faut tenir pour y faire consentir Adamas et la belle Alexis. – Je le vous diray, respondit Leonide, et je le vous faciliteray tant qu’il me sera possible. Adamas ayme extremement Alexis, et de telle sorte qu’il n’y a rien que cette fille ne puisse aupres de son pere, je vous conseille donc d’acquerir ses bonnes graces, mais que dis-je, acquerir ? vous les avez desja sans doute toutes acquises. Il faut seulement que vous vous efforciez de luy rendre vostre compagnie si agreable, que la separation luy en soit si fascheuse, qu’elle-mesme, comme elle commence desja de faire, ressente la premiere le desplaisir de vostre separation. Il vous sera fort aisé, vous aimant desja si fort que je ne sçay si vous la surpassez, mais le meilleur moyen c’est de vous tenir le plus pres