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du monde, mal-aisément pouvoit-on s’imaginer qu’une vie solitaire et retirée comme celle-cy, luy peust estre agreable. Et toutesfois j’ay remarqué que, depuis qu’elle est icy, elle a repris un si bon visage qu’elle semble estre toute une autre, et cela, je croy qu’il procede de l’amitié qu’elle vous a prise, qui est bien si grande que hyer elle me juroit d’apprehender infiniment vostre separation. – Madame, respondit la bergere, si ce bon-heur nous est arrivé, que vous ayez eu agreable nostre vie et nos passe-temps de village, je puis bien dire avec verité que c’est le plus grand que nous puissions avoir jamais, puis qu’il n’y a une seule de nous qui ne soit tellement rendue vostre servante, et de la belle Alexis, qu’il n’y a rien que nous ne fissions pour nous continuer l’honneur de vostre compagnie. Et pour mon particulier, je puis dire que mon affection me donne de telle sorte à la belle Alexis, que je vous proteste, madame, et prends le Ciel pour tesmoing, et les deitez qui vivent dans ces bocages, que je tiendray à jamais le serment que j’en ay fait. Je vous proteste, dis-je, madame, qu’il n’y a rien au monde qui me puisse separer d’elle, pourveu qu’elle l’ait agreable, et sur ce propos je vous supplieray de m’y vouloir assister de vostre faveur, et envers elle, et envers Adamas, car je suis resolue de la suivre à Dreux, et vers les Carnutes, lors qu’elle s’en retournera.

– Ce n’est pas là la plus grande difficulté, dit Leonide,