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moy si vous sçavez qu’est devenue la bergere, à laquelle Adamas et vous parliez presque à ceste heure. – Et à qui, respondit Leonide, l’avez-vous donnée en garde ? – A mes yeux, dit Hylas. – C’est donc à eux, dit-elle, à qui vous la devez demander, car nous qui n’en avons guere affaire, n’y avons pris garde. – Je vous asseure, respondit Hylas, que si elle ne revient plus, j’auray faict inutilement l’amas d’amour, qu’il me faloit employer pour l’aimer. – Et quoy ? reprit Leonide, estes-vous si diligent à faire cette provision ? je pensois que vous missiez plus de temps à prendre des resolutions de telle importance. – Cela est bon pour Silvandre, dit Hylas, en haussant et branlant la teste, qui pour un besoin feroit assembler tous les ordres des Gaulois, pour deliberer s’il doit aimer. Quant à moy, je resoudrois plus de semblables affaires en un jour, que luy en toute sa vie, car aussi-tost qu’il voit une belle fille, il cherche en luy-mesme si elle a toutes les conditions qui luy sont necessaires pour estre aimable à son goust. Il la trouvera peut-estre trop grande, ou trop petite, trop blonde, ou trop noire, trop blanche, ou trop claire-brune, elle aura les sourcils trop blonds, ou les yeux non pas assez fendus, le nez trop long, ou trop raccourcy, la bouche trop ou trop peu renversée, le menton trop fendu, ou peut-estre luy defaudra-t’il la fossette aux deux joues, tant il y regarde de prés, et si quelqu’une de ces choses luy deffaut, il ne l’aimera