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que, quand j’auray satisfaict à vostre curiosité en vous monstrant Astrée, vous ne desdaignerez de recevoir en don ce cœur que je vous presente, si vous ne le voulez point en larcin. – Monstrez moy, dit la nouvelle bergere, quelle de toutes ces belles est Astrée, car considerant leurs beautez, je m’asseure qu’elle en est l’une, et aprés, nous parlerons à loisir du cœur d’Hylas, puis que vous vous nommez ainsi. – Il est vray, dit Hylas, qu’elle y est, et parce que je crains que, comme vous avez deviné qu’elle estoit icy, de mesme vous ne la recognoissiez sans moy, afin que vous ne m’en ayez l’obligation, la voilà, dit-il, monstrant Astrée, qui à peine se pouvoit garder de rire, non plus que le reste de la troupe, voyant Hylas si aveuglé qu’il ne recognoissoit point Alexis pour estre un peu déguisée par cet habit.

Elle alors, s’approchant d’Astrée, la salua, et luy tint quelque discours de civilité, afin de tromper tant mieux Hylas, qui trouvoit ceste estrangere de si bonne grace, qu’il ne pouvoit presque luy donner le loisir de dire les premieres paroles sans l’interrompre, la pressant de satisfaire aussi bien à ce qu’il luy avoir requis, qu’il avoit fait à ce qu’elle avoit desiré sçavoir de luy. – Et comment ? mon feu serviteur, dit Phillis, que pensez-vous que dira Stelle, si elle scait que vous aymez ceste belle estrangere ? – Et que peut-elle dire, respondit-il, sinon que j’observe nos conditions, par lesquelles il m’est permis d’en pouvoir aimer une