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ce qu’il disoit : Pardonnez-moy, berger, luy dit-elle, si je ne vous réponds, car je n’entends pas ce que vous dites. – Je veux dire, reprit Hylas, que vous ayant pris pour Astrée, et puis voyant incontinent Astrée en un autre lieu, j’ay failly de devenir fol, mais qu’à ceste heure que je vous voy bien, je crains que vous ne me dérobiez le cœur que j’ay donné à un autre. – Vous m’avez grandement obligée, respondit Alexis, de me prendre pour une si belle bergere que celle que vous nommez, et laquelle j’ay desiré il y a longtemps d’avoir le bon-heur de cognoistre, mais vous ne me des-obligez pas peu, quand vous me soupçonnez d’estre larronnesse, et mesme de ce qui est à autruy, car je n’ay point accoustumé de n’en prendre qui ne soit tout à moy, et je ne fay jamais mes prises en cachette, ainsi que ceux qui desrobent font, mais tout ouvertement et devant les yeux de chacun. Que si vous voulez reparer l’injure que vous m’avez faite en cela, monstrez-moy qui est Astrée de toutes ces bergeres, et je vous remets l’offence receue. – Je pense, dit Hylas, que si vous me cognoissiez, vous ne jugeriez pas que, vous laissant prendre mon cœur, encore qu’il soit à une autre, je vous fasse quelque offence, car Hylas n’en a jamais donné d’avantage à personne. Et toutesfois, puis qu’il m’est si aisé d’effacer ceste injure que vous pretendez avoir receue de moy, je n’en veux point disputer, à condition