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s’approcher, et prenant Astrée par une main, et monstrant Alexis de l’autre : Regardez, luy dit-il, bergere, si vous n’estes pas au pied de cet arbre ? Phillis respondit : Je vous asseure, mon feu serviteur, que vous devez tenir du naturel des lyons, car j’ay ouy dire qu’ils cognoissent mieux les habits que le visage de ceux qui les gouvernent. – Et pourquoy dites-vous cela ? respondit Hylas. – Parce, repliqua-t’elle, que ces habits que vous voyez pour estre ressemblants à ceux qu’Astrée souloit porter, vous vous persuadez que c’est elle.

Ils parloient si haut, et Hylas faisoit tant de bruit, qu’Alexis tournant le visage, apperceut toute ceste troupe, qui s’en venoit vers elle, ce qui fut cause que s’essuyant un peu les yeux, et reprenant une plus joyeuse mine, pour ne donner cognoissance des tristes pensées qui l’accompagnoient, elle se leva et s’en vint droit vers elles. Et parce qu’Astrée et Diane luy firent signe de feindre d’estre estrangere, pour voir si Hylas et Laonice la recognoistroient, car elles avoient dit à Phillis le change qu’elle avoit fait de ses habits, elle contrefit de sorte son personnage, qu’Hylas la mécogneut, et Laonice aussi. Hylas s’approchant d’elle : Je vous asseure, belle bergere, luy dit-il, que vous avez failly à me faire tourner l’esprit, lors que je ne vous ay qu’entre-veue, et maintenant que je vous voy mieux, j’ay peur que vous ne fassiez destourner mon affection.

Alexis feignant de ne le cognoistre point, et de ne sçavoir