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de prendre son mouchoir pour les essuyer. Et parce qu’en mesme temps Calidon entra dans le bois, lors qu’elle estoit au bout d’une allée, ainsi qu’elle tourna pour revenir sur ses mesmes pas, afin de continuer ses pensées avec son promenoir, de fortune elle jetta l’œil sur Calidon, qu’elle n’eust plus-tost recogneu que, comme la bergere qui, sans y penser, met le pied sur un serpent, s’en destourne et s’en fuit ailleurs, toute pasle et tremblante, de mesme Alexis changea, et tourna ses pas promptement pour entrer dans une autre allée, et de celle-là en une autre, et alla de ceste sorte fuyant le berger, qu’elle pensoit estre tousjours à ses talons, deceu par les habits qu’elle portoit de la belle Astrée. Et elle mit bien tant de peine à s’echapper de ses yeux, qu’il la perdit parmy ces divers destours, ne pouvant les demesler si promptement, qu’elle les luy alloit embrouillant et fuyant de ceste sorte, elle passa dans la grande allée, et pour n’estre veue de luy, se rejetta incontinent apres dans le grand bois de haute fustaye qui la touche.

Mais de fortune Hylas qui pour donner toute commodité à Calidon, s’estoit venu promener en ce lieu, l’ayant apperceu, et se doutant à peu prés de l’occasion de sa fuitte, car il la vid passer presqu’en courant, il remarqua l’endroit où elle entroit et attendit quelque temps pour l’enseigner à Calidon, qu’il croyoit n’estre pas fort loing. Et toutesfois il se deceut, parce que ce berger ne pensant pas qu’elle fust sortie