Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/1059

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prendre ceste resolution, mais se reprenant bien tost apres : Tay-toy, tay-toy, Celadon, disoit-il, contente-toy d’estre mort une fois, sans vouloir par ta presomption remourir encores avant que d’avoir revescu. N’envie point le bon-heur d’Alexis, et puis que tu n’en peux jouyr, ne sois point marry qu’elle le possede, car si tu dois esperer quelque meilleure fortune que celle que tu as, c’est sans plus par l’entremise de ceste druide, à la conduite de laquelle tu la dois entierement remettre, et ne te flatte qu’Astrée ayme ta ressemblance en elle, car il peut bien estre que ton visage luy soit agreable, et que la faute que tu as commise la convie à te hayr. Et puis, s’il y a quelque chose en toy qui te puisse contenter, n’est-ce pas pour sçavoir en ton ame que jamais tu n’as manqué aux loix d’une parfaite affection ? Et voudrois-tu maintenant noircir la blancheur de ton amour par une si grande desobeyssance ? Je t’ordonne, nous a-t’elle dit, de ne te faire jamais voir à moy, que je ne te le commande. Ayme donc, ô Celadon ! et obeys, et te tais si tu veux vivre et aymer sans reproche.

Ainsi la druide pensant venir en ce lieu pour avoir quelque contentement de ses pensées, Amour qui peut-estre jaloux des faveurs que la fortune luy avoit faictes, les luy envenima par ces mortelles imaginations, de sorte que ses yeux regorgeants de larmes, elle fut contrainte