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pour sçavoir asseurément que ces faveurs qui me sont faites seroient changées en chastimens et en supplices, si je n’estois couvert du personnage d’Alexis.

Et là s’arrestant un peu : Mais, reprenoit-il peu apres, et à quoy, Celadon, penses-tu que ceste feinte se termine ? Quelle fin proposes-tu à ton dessein ? As-tu opinion que tu puisses decevoir tousjours, et tous les yeux de ceux qui te verront ? Pourquoy ne te resous-tu à te declarer ? Quoy qu’elle ne te l’aye dit, si est-ce que le commencement de l’amitié qu’elle porte à Alexis ne procede que de la ressemblance qu’elle a avec Celadon. Cela te montre qu’elle ne hayt point ce berger, puis que la ressemblance luy en est si agreable. Que si elle en cherit la memoire, le croyant mort, n’en aura-t’elle pas beaucoup plus chere la presence, quand elle le verra à genoux devant elle, vivant et l’adorant ? Belle bergere, luy dirons-nous, voilà ce Celadon qui mourut quand vous luy voulustes mal, et qui revit maintenant que vous en aymez le visage en celuy d’Alexis. S’il a failly en quelque chose, il en a bien faict la penitence, mais si encores vous ne la jugez pas telle que sa faute, ordonnez-luy et de souffrir et d’endurer tous les supplices qu’il vous plaira, vous trouverez tousjours en luy plus de volonté d’obeyr à ce que vous ordonnerez, que vous n’en aurez de luy commander.

Et à ce mot, demeurant quelque temps sans parler, il consideroit s’il y avoit apparence qu’il deust