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qui m’a faict vous rencontrer, pour soulager mon desplaisir. – Si vous voulez, dit-il, que je vous flatte, je parleray bien d’autre sorte, mais quand vous aurez le jugement sain, vous recognoistrez que je vous parle en amy. Que si vous desirez trouver quelque allegement, prenez les remedes desquels j’ay tousjours usé contre semblable maladie, et si vous le voulez faire, je m’oblige à vous garantir de tout le mal que vous en recevrez pour ce subject. – Comment ? dit le berger, de quitter Astrée ou d’en aymer quelque autre ? J’aymerois mieux avoir perdu les yeux, que si je les employois jamais à regarder avec amour une autre beauté que la sienne, et avoir perdu le cœur qui me donne la vie, que si je m’en servois jamais à aymer autre bergere qu’Astrée.

Et à ce mot, ne pouvant plus avoir de patience aupres d’Hylas, il se leva pour s’en aller à demy mal-satisfaict de luy, mais Hylas le retint, et luy dit en sousriant : Si vous voulez voir Astrée, entrez dans ce bois de coudres, je l’ay veue il y a quelque temps qu’elle y alloit toute seule, mais je ne vous en ay rien voulu dire, parce que je crains fort que vous n’y perdiez vostre peine ; toutesfois la femme est fort ressemblante quelquefois à la mort, qui se donne à nous lors que nous y pensons le moins. – Vous n’estes pas bon amy, luy respondit Calidon, de m’avoir esloigné le contentement d’estre aupres d’elle. – Prenez garde, repliqua-t’il, que vous n’y soyez encores assez tost