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d’inconstance si, pour quoy que ce soit, nous nous retirons de leur tyrannie. Au lieu que si ces maximes estoient changées et qu’elles creussent que c’est une chose honorable de chercher son mieux et de fuyr ces tyrannies, elles ne se plairoient pas à nous voir languir en les servant, mais nous donneroient tous les jours de nouvelles faveurs, afin de nous oster non seulement la volonté de chercher une meilleure fortune, mais l’esperance mesme de pouvoir mieux rencontrer.

Calidon respondit froidement : Vous vous trompez grandement, Hylas, quand vous pensez que Silvandre soit autheur de ces opinions que vous blasmez. Il y a de longs siecles que les bergers de cette contrée ont tousjours observé cette loy, et quand la coustume ne nous y obligeroit point, la beauté de nos bergeres nous y contraindroit, car peut-on les avoir aymées, et perdre une fois ceste volonté, si ce n’est que la mort le fasse faire ou la laideur de leur visage, qui advient, ou par le temps ou par quelque autre accident ? – Je voy bien, reprit Hylas, que vous aymez Astrée, et que maintenant je n’auray pas raison avec vous, mais j’espere de vous veoir aussi affranchy de ceste affection que vous l’estes maintenant de celle de Celidée. – Plusieurs raisons, respondit le berger, m’ont diverty de la bergere que vous nommez, et beaucoup plus encores m’obligent à ne cesser jamais d’aymer celle-cy, sinon en cessant de vivre,