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chanter et entendu ces paroles, toutesfois elle ne le recogneut point qu’elle ne l’eust outrepassé, mais voyant Hylas, elle ouyt qu’il luy disoit : Est-il possible, ô Calidon ! qu’Astrée vous traitte de la sorte que vous dictes ? – Il n’est que trop vray, respondit-il, et je voudrois bien, Hylas, me pouvoir servir de la recepte dont vous usez si heureusement en semblables accidens que celuy qui me travaille.

La druide n’ouyt pas d’avantage de leurs discours, parce que ne desirant pas d’estre recogneue, elle passa outre, mais Hylas ne laissa de continuer : Je vous asseure, Calidon, que de tout le mal qui advient aux bergers de cette contrée pour semblable sujet, un seul berger en doit estre blasmé, car Silvandre, qui est celuy duquel je parle, avec ses fausses raisons, parce qu’il a l’esprit subtil, et qui se sçait insinuer en la bonne opinion des bergers, leur persuade qu’un amant est perdu d’honneur, lors qu’estant mal traicté, il change d’affection, comme si un homme estoit un rocher exposé à l’outrage des flots et des orages sans pouvoir changer de place pour se mettre à couvert de telles injures. Et les bergeres qui pensent retenir nos esprits, comme des esclaves, dans des liens honteux et des chaisnes qui ne se peuvent detacher, ne se soucient de nous donner occasion, ny par faveur ny par aucune recognoissance, de bonne volonté, de continuer le service que nous leur rendons, estans tres asseurées que nous sommes blasmez de ceste sottise