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de ce berger vous plaisent si fort ; car il ne sçauroit ouvrir la bouche pour me contredire, qu’elles n’en rient à haut de teste. Mais, Silvandre mon amy, continua-t’il, se tournant vers le berger, sois certain que c’est de toy que ceste belle dame se mocque, et non pas de moy, parce que n’ayant esté nourry qu’aux villages, tu ne sçais guere bien comme il faut parler à celles qui luy ressemblent. Et pource, si tu m’en crois, tu ne continueras plus ce qui est tant à ton desavantage. – Gentil berger, dit incontinent Daphnide, ne croyez point Hylas ; vous sçavez assez quel il est, et j’aurois trop de desplaisir que vous eussiez cette opinion de moy. – Madame, respondit Silvandre, nous nous faisons souvent de semblables reproches, Hylas et moy, et toutesfois nous ne nous croyons guere l’un l’autre. Mais Hylas, dit-il, se tournant vers luy, tu te trompes fort, si tu crois que je n’aye point de cognoissance de ceste belle dame ; j’aurois en vain esté si longuement parmy les Massiliens, et il faudroit bien que j’eusse eu les oreilles bouchées, et les yeux clos, si je n’eusse ouy parler de son merite, ny veu sa beauté. Je sçay, Hylas, peut-estre mieux que toy, qui est la belle Daphnide, qui Alcidon, et qui le grand et redoutable roy Euric ; peut-estre te raconterois-je plus particulierement la prise qu’il fit et de la ville des Massiliens, et de celle d’Arles, qu’autre qui le voulust faire, et pour ce ne pense, encor que je sois berger, m’estonner par tes discours,