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les recevoit, non pas peut-estre comme à une Alexis, mais comme au portrait vivant de Celadon.

Leonide qui consideroit ces caresses et ces baisers, ne pouvant bien esteindre ses premieres flammes, se sentit un peu touchée de jalousie, et feignant que ce fut pour empescher que Diane ne s’en prist garde, elle dit à la druide : Vous ne prenez pas garde, nouvelle bergere, que tenant Astrée entre vos bras, elle se pourroit bien morfondre. – Je ne sçaurois avoir mal, dit la bergere, estant aupres d’Alexis. – Je serois bien marrie, ma belle fille, dit la druide, d’estre cause de vostre mal, mais je voy bien que ma sœur n’en parle que par envie. – Voire, dict Leonide, comme si je n’avois pas l’une des plus belles bergeres aupres de moy. Et lors, se tournant vers Diane, et la prenant entre ses bras, se mit à la baiser et à la caresser, afin qu’elle ne prist garde aux actions d’Alexis qui, cependant, prenant Astrée, l’emporta sans qu’elle mist les pieds en terre, jusques vers le coffre, où elle vouloit aller, et là s’assisant, et la tenant au devant d’elle embrassée : Il est certain, luy dit-elle, que vous estes la plus belle fille qui fut jamais, et que les beautez cachées qui sont en vous, surpassent de tant toutes celles que l’on pourroit imaginer que la pensée n’y sçauroit atteindre. Et en disant ces paroles, elle luy baisoit tantost les yeux, tantost la bouche, et quelquefois le sein, sans que la bergere en fist point de