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ne s’esveilla, tant l’aurore par sa venue les avoit appesanties d’un doux sommeil. Et parce qu’il sembloit que le jour croissant peu à peu descouvroit toujours de nouvelles beautez en sa maistresse, elle se leva, et prenant un siege, s’assit vis-à-vis d’elle, afin de la pouvoir contempler sans empeschement, et lors, jettant les yeux sur ce visage bien aimé, il n’y avoit rien qu’elle n’admirast et qui ne fust un nouveau feu adjousté à sa flamme. Quelquefois transportée de trop d’affection, elle s’approchoit pour en desrober un amoureux baiser, mais soudain le respect l’en retiroit. Et en ce combat, aprés avoir longuement demeuré interdite, elle dit tels vers d’une voix assez basse.


Sonnet

Sa maistresse dort, et il ne l’ose baiser.

Ils estoient pris d’un sommeil otieux,
Ces deux soleils, et clos sous la paupiere !
Mais leurs rayons avoient trop de lumiere
Pour ne ravir et n’esblouyr mes yeux.

Tel fut jadis le somme gratieux
De ton berger, vagabonde courriere !
Lors qu’oubliant ta peine journaliere
Tu l’endormis, afin d’en jouyr mieux.