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point de place en son ame pour quelque autre pensée. Mais les trouvant si à propos, il leur fit entendre bien au long tout ce qu’il en avoit appris de Paris, et le danger pour eux de rencontrer cet homme barbare, et qui les cherchoit avec tant de desir de vengeance. Madonte le remercia de cet advis, et ayant longuement debatu entr’eux qui ce pouvoit estre, ils ne purent jamais imaginer que ce fust Damon, parce qu’il estoit mort selon leur creance, mais plustost que ce seroient des parens de Madonte, qui ne pouvans supporter sa fuitte avec Tersandre, cherchoient d’en faire la vengeance.

Silvandre qui avoit tousjours porté quelque sorte de bonne volonté à Madonte, tant pour quelque ressemblance qu’elle avoit à Diane, que parce qu’elle estoit veritablement tres-vertueuse et modeste, la voyant pleurer, en eut une tres-grande compassion, et luy demandant la cause de ses larmes : N’ay-je pas bien raison, berger, luy dit-elle, de pleurer la miserable fortune qui me poursuit avec tant de cruauté ? puis que ne m’ayant voulu laisser en repos au milieu de mes parens et de ma patrie, elle me vient encore tourmenter en ce lieu, où je pensois pouvoir jouyr du repos que cette contrée donne à tous ceux qui veulent y habiter, et toutesfois je ne puis eviter sa hayne, ny me cacher à ses coups. Dieu ! que faut-il que je fasse desormais, puis qu’ayant abandonné ma patrie, mon bien et toutes mes cognoissances,