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de tout le monde. Et parce que je trouvay ceste cure fort rare, je fus curieux de luy en demander la recepte, mais il me respondit que c’estoit chose qu’il ne pouvoit donner à personne, pour s’en estre obligé par serment ; mais que, toutes les fois que j’en aurois affaire, il ne falloit que luy envoyer un petit bois ensanglanté de la blesseure, et qu’incontinent il en feroit la cure, parce que le remede estoit aussi bon de loing comme de prés, et qu’il ne falloit que tenir la playe bien nette. De sorte que, ma fille, si vous voulez guerir, il ne faut qu’esgratigner un peu ces blesseures, en sorte que nous en ayons du sang, et vous verrez que vous reprendrez vostre premiere beauté. – Seigneur, respondit alors Celidée, vostre courtoisie m’oblige trop au soing qu’il vous plaist avoir de ce visage, qui ne le vaut pas ; mais je vous diray bien que ceste beauté de laquelle vous me parlez, s’il y en a eu quelquefois en moy, m’est à ceste heure de telle sorte indifferente, que si je pouvois la retrouver pour aller d’icy en mon logis, je pense que je ne m’y en retournerois que le plus tard qu’il me seroit possible. Quand je me souviens qu’elle n’a jamais esté en mon visage que pour me donner de la peine, que pour m’accabler d’importunitez, et que pour me tenir en des continuelles inquietudes, je vous asseure, seigneur, que si je pensois la rencontrer par ceste porte, je passerois plustost par la fenestre, que d’avoir