Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/1014

Cette page n’a pas encore été corrigée

de ce roy, qu’il ne pouvoit assez luy faire de demonstrations de sa bonne volonté. Je pourrois bien vous en raconter beaucoup de choses qui meritent d’estre sceues, mais il vaut mieux que vous les appreniez de sa bouche que de la mienne, puis qu’il est si prés de vous.

Et parce que Thamire et Celidée s’estoient esloignez, voyant que Damon continuoit de parler un peu bas à la nymphe : Mais madame, luy dit le chevalier, qui veut dire que ceste jeune bergere a le visage si gasté de coups ? il semble qu’elle soit si sage et discrette, comment est-ce que ce malheur luy est arrivé ? – Ces blesseures, respondit alors Galathée, sont les plus glorieuses marques que fille porta jamais. Et là dessus luy raconta briefvement pourquoy elle s’estoit traittée de ceste sorte, et combien heureusement son dessein luy estoit reussi, puis que la folle affection de Calidon s’estoit esteinte, et la parfaicte amour de Thamire s’estoit de telle sorte augmentée qu’il ne l’avoit jamais tant aimée belle, qu’il l’aymoit maintenant avec ceste difformité. Damon admira ceste resolution en ceste jeune fille, et plus encores en une bergere, puis que ces generositez ne se rencontrent guere souvent que parmy les courages plus relevez. – Ne vous arrestez pas à cela, reprit la nymphe, les bergers de ceste contrée ne sont pas bergers par necessité et pour estre contraints de garder leurs troupeaux, mais pour avoir choisi ceste sorte de vie afin de vivre avec