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entrez-vous en cette opinion ? dit-il. Ne sçavez-vous pas que l’on tient que les premieres amours ne s’effacent jamais ? –Toutesfois, dit-elle, vous monstrez le contraire, puis que l’amour ne peut pas estre quand l’oubly oste la memoire de la chose aymée ; et vous ne pouvez nier que vous ne nous ayez mescogneues et oubliées. – Je suis fait, dit Hylas, tout d’une autre façon que le reste de ceux qui se meslent d’aimer ; car jamais je ne perds la memoire de celles que j’ay aimées, ny jamais mon affection ne s’efface. Il est bien vray que quelque fois ma memoire se couvre d’oubly, comme le brasier de cendre, et que mon affection se lasse, comme l’arc qui a demeuré trop long-temps tendu ; mais comme le brasier, pour peu qu’il soit soufflé, se descouvre vif et ardent, et l’arc, quand on le retend, est aussi fort qu’auparavant, de mesme est-il de ma memoire et de mon affection, lors que cette cendre de l’oubly est ostée par la veue, et par la presence, ou bien que mon amour par quelque nouvelle faveur se renforce de desir et d’esperance. – Je voy bien, dit Stiliane, qu’en fin Hylas est tousjours Hylas. – Mais, adjousta Daphnide, nous sçaurons à loisir un peu plus de vos nouvelles. Cependant, afin que nous ne fassions quelque erreur envers ces belles et honnestes bergeres, dites-nous, Hylas, qui elles sont, et si Astrée ou Diane ne sont point en cette compagnie. – Madame, respondit Hylas, si vous estes