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le faire tousjours. - Comment, reprit Diane, je le vous ay permis pour tousjours ? Eh! berger, prenez-vous un jour pour tous les jours ? encore ne vous ay-je accordé que le reste de ce jour qui est passé et qui estant finy ne peut plus servir d'excuse à vostre feinte.

- Je vous supplie, ma maistresse, dit-il, vous peut-il bien souvenir que vous m'avez permis d'achever le jour qui me restoit de la mesme façon que je l'avois commencé ? - Il est vray, dit Diane, mais il est finy ce jour-là et j'en ay commencé un autre. - Vous avez raison, belle bergere, respondit-il, de dire que vous en avez commencé un autre, parce que c'est le propre du soleil de commencer et de limiter les jours, et vous estes le soleil de tous ces rivages ; mais non pas quand vous dites que le jour que vous m'avez accordé est finy. Car dites-moy, s'il vous plaist, ma belle maistresse, tant que la clarté dure, n'est-il pas vray que le jour n'est point finy ? - Je vous avoue, respondit Diane, ce que vous dites, mais aussi accordez-moy que, quand le soleil ne se voit plus, c'est la nuit. - Je le confesse, reprit Silvandre, et par ainsi j'ay gaigné ce que je demande, car mon ame ny mes yeux ne recognoissans point d'autre soleil qui leur esclaire que vostre beauté, et vos perfections, il est certain que tant que je ne seray point privé de cette lumiere et de ce soleil, il n'y aura point de nuit pour moy, et n'y en ayant point, n'ay-je pas raison de dire que le jour que je vous ay demandé n'est point