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car ceste grandeur de courage qui estoit en Ætius, ceste prudence dont il conduisoit toutes ses actions, ceste louange que le peuple luy donnoit et l’honneur que toute l’Italie luy avoit rendu, le rendirent de sorte soupçonneux de la grandeur d’Ætius, que dés lors il en conceut une jalousie qui depuis le fit aisément consentir au mauvais conseil qui luy fut donné.

Mais quant à rnoy qui ne me souciois guere des affaires d’estat, et qui avois seulement devant les yeux, et en tous mes desseins, l’affection de la belle Eudoxe, dés que je fus arrivé, et qu’en compagnie d’Ætius, j’eus baisé la main de l’empereur, je passay chez l’imperatrice, où feignant d’avoir à luy dire quelque chose de la part de mon general, je la vis en particulier, et en receus tant de bonne chere, que les douze ans d’absence me sembloient bien employez, puis qu’à mon retour je recevois tant d’extraordinaires faveurs. Estant en fin contraint de sortir de son cabinet, pour ne donner cognoissance de ce que nous avions si longuement celé, je m’en allay trouver la sage Isidore, comme celle que j’aimois et honorois le plus apres Eudoxe, mais je la trouvay bien changée de ce qu’elle souloit estre, n’ayant plus ceste gaillardise, ny ceste hardiesse dont elle estoit tant estimable. Je luy en demanday la cause, mais ses larmes me respondirent pour elle et ne peus tirer de ce coup autre responce, dont estant