Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/933

Cette page n’a pas encore été corrigée

dois faire sans mourir.

Il faut avouer que ces paroles me rendirent de telle sorte confus, que me levant de la place où j’estois, et me rejettant à ses genoux, je luy protestay de ne rechercher jamais, ny tesmoignage de son amitié, ny soulagement à mes desirs, plus grands que ceux qu’elle venoit de me donner. Si vous le faites, me dit-elle, je vous permettray le reste de ma vie les mesmes privautez que vous avez receues, et ceste preuve de l’affection que vous me portez me sera agreable, cognoissant que ceste amour outrepassant toutes les limites des plus violentes amours, s’arreste toutesfois à celle de mon honnesteté. Et à ce mot, me prenant par la teste avec les deux mains, elle me baisa pour arres de sa promesse.

Nous avions fait du bruit, et avions un peu relevé la voix, de sorte qu’Isidore s’esveilla, et parce que la nuit estoit fort avancée et que les flambeaux estoient presque achevez, Eudoxe l’appella et luy demanda quelle heure il estoit. – C’est l’heure, madame, dit-elle, que je viens de faire un grand sommeil, et que chacun dort, sinon vous. – Et pensez-vous, Isidore, dit la princesse, que Valentinian ne veille pas à ceste heure pour sa maistresse ? – Je ne sçay, dit Isidore, ce qu’il faict, mais je sçay bien que si ce n’estoit que pour luy, je serois à ceste heure au lict, et dormirois fort bien. Je luy respondis: C’est bien au lict aussi où il voudroit vous trouver. –