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taire, puis qu’y ayant long-temps que je sçay ce que je viens de vous dire, je n’en ai jamais fait semblant. Mais quand vous m’avez dit que Phillis estoit contente, j’ay esté estonnée, sçachant assez combien elle estoit en peine de vostre froideur et jalousie. – Ah ! grande nymphe, dit Lycidas en sousriant, qu’il m’a bien fallu changer de personnage, depuis que je n’ay eu l’honneur de vous voir ! O que l’on m’a bien fait crier mercy, et demander pardon ! O combien de fois ay-je esté contraint de me mettre à genoux ! Croyez, madame, que Phillis a bien sceu me ramener à mon bon sens, et qu’elle m’a bien fait recognoistre mon devoir ! Si je pensois d’avoir assez de loisir à le vous raconter par le menu, vous verriez qu’il y a beaucoup de difference entre un amant et un homme sage. – Je ne sçaurois, respondit la nymphe, apprendre de plus agreables nouvelles que celles-cy, et pour le loisir, vous en avez assez, puis qu’Adamas, Phocion, et Diamis sont entrez en discours, d’autant que ces vieilles personnes ne peuvent jamais trouver la fin de leurs paroles.

Ce qui donnoit encor plus d’envie à la nymphe de le faire parler ; estoit pour le divertir d’autant de la consideration d’Alexis, car encor qu’elle sceust bien, que si ce n’estoit à ceste fois, ce seroit à une autre, toutesfois elle jugeoit que la premiere veue estoit la plus dangereuse, parce qu’apres, son jugement estant desja preoccupé par ceste opinion de ressemblance, il ne pourroit si bien descouvrir la verité, et que mesme le rapport qu’il en feroit