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l’univers r’alumera cest amour en moy. Et si je ne te dis vray, qu’il n’y ayt point d’hommes pour moy en terre, mais des monstres cruels qui me devorent, ny point de dieux au ciel pour prendre pitié de mes peines, mais seulement des supplices et des enfers.

Et à ce mot ostant de son col une chaine de paille tressée, que je luy avois donné, et me la presentant, et moy sans y penser la tenant d’une main : Et pour te donner quelque asseurance de ce que je dis, soit ainsi (dit-elle en tyrant de violence cette chaine) nostre amour rompue, et demeure à jamais telle, que cette chaine que j’eus de toy, et qui en fut le symbole, demeurera à jamais en deux pieces. Elle n’eut plustost proféré cette parole, qu’elle s’encourut avec une partie de la chaine, dont le reste me demeura en la main, tant hors de moy que je ne peus luy dire un mot d’excuse ny faire un pas pour la suivre.

J’avoue, madame, que ces reproches me touchoient bien vivement, et que, repassant par ma memoire avec combine de raison Celidée m’avoit parlé de ceste sorte, je jugois qu’elle estoit exempte de blasme, et moy coulpable entierement. Toutesfois je fus encore assez fort pour demeurer ferme en la resolution que j’avois faite pour le contentement de Calidon. Mais qu’en advint-il ? Le berger, sçachant que j’en avois parlé à