contentez. – Comment, adjousta Doris, en satisfaire plusieurs, puis qu’il est impossible d’en contenter un seul ? – Et quoy ! continua Hylas, vous n’estimez point d’avoir plusieurs serviteurs ? – Ils deviennent en fin nos ennemis, dit la bergere, et lors qu’ils nous ayment, ils nous importunent plus qu’ils ne nous profittent. – Il faut, adjousta-t’il, avoir soin de les conserver. – La peine, repliqua Doris, surpasse le plaisir. – Si est-ce, continua le berger, que les dieux ne se sentent point importunez que plusieurs chargent leurs autels de sacrifices. – Il est vray, repondit-elle, mais c’est aussi un particulier privilege des dieux, de pouvoir faire du bien à plusieurs, sans se donner de la peine. – Il me semble, dit Hylas, que puis que l’amour depend de la volonté, et que la volonté s’estend à tout ce qu’il luy plaist, il n’y a pas grande peine d’aymer diverses personnes. – Les amants de ce siecle, respondit-elle, ne se contentent pas de la volonté, ils veulent posseder en effect. Et quand cela ne seroit pas, je ne laisserois de croire impossible que la volonté se puisse en mesme temps donner toute à des personnes separées. – Il faut, repliqua-t’il, ne leur en donner qu’une partie. – C’est, respondit la bergere, ce que je crois encore plus impossible. Et quand il se pourroit, puis que l’amour d’un seul est si penible, que seroit-ce d’une si grande multitude ? – Vous n’en voulez
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