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vous point plus obligée par les loix de l’amitié de dire : Si mon berger ne me voit point si souvent que de coustume, je sçay que c’est quelque necessaire contrainte qui l’empesche. Compatissant ainsi au mal que je souffrois esloigné de vostre presence, et jugeant autruy par vous-mesme, vous n’eussiez pas offencé si cruellement celuy qui n’offença jamais l’affection qu’il vous a promise. Mais me direz-vous, que vouloient donc signifier ces demy-moments qui à peine vous pouvoient retenir auprés de moy, au lieu qu’auparavant les jours les plus longs ne vous pouvoient pas contenter ? Je le vous diray, ô sage nymphe, et je m’asseure qu’en m’escoutant vous ne ferez point un si sinistre jugement de moy, que ceste belle a fait de ma fidelité, et seulement je la supplie de se ressouvenir de la vie que je menois en ce temps-là, et parmy quelles compagnies on me voyoit demeurer. Je puis dire avec verité, ô grande nymphe, que jamais homme n’a vescu plus sauvagement que moy, non pas mesme ceux qui font profession de ne demeurer que parmy les rochers, et les deserts, sinon durant les moments que mon affection me contraignoit une fois le jour de la voir. Car dés que la clarté commençoit de paroistre, je sortois de ma cabane, et loing de toutes les compagnies, je ne revenois que la nuict ne fust close, demeurant quelquefois