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voulu d’elle. Peut-estre en les considerant, vous estonnerez-vous que je trouvasse en un aage si tendre quelque chose qui me peust arrester, moy, dis-je, qui desormais devois repaistre mon esprit de quelque viande plus solide ? Mais s’il vous plaist de vous souvenir que l’amour est toujours enfant, et que la jeunesse sur toute chose luy plaist, vous jugerez bien que puis qu’il falloit que j’aymasse, il n’y avoit rien qui fust si convenable à une pure et sincere affection que la mienne, que ceste beauté innocente et sans malice. Et à la verité je recognois bien que ce n’estoit pas moy qui en avois fait election, mais le Ciel qui me la faisoit aymer par force, car par plusieurs fois je voulois m’en eslongner, et me representois tout ce que la raison me pouvoit opposer, mais c’estoit comme retoucher une playe bien envenimée, cela ne me servant qu’à augmenter mon mal, qui en fin parvint à une extreme grandeur.

Or en ce temps, Calidon revint de la province des Boiens, et pouvoit avoir dix huict ans ou environ. II estoit grand, plus que l’ordinaire de son aage, il avoit la taille belle, le visage des plus agreables pour un teint clair-bm, au reste le discours bon, et la façon plus relevée que sa condition peut-estre ne requeroit pas, mais toutesfois nullement glorieuse ny meslée de mespris. Il faut que j’advoue, que quand je