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depuis ce temps là n’alloit plus si souvent visiter les bergers qu’elle souloit, feignant, lors que Paris luy en demandoit la raison, que la chasse l’occupoit entierement.

Or Celadon vesquit de cette sorte, quelquefois moins, quelquefois plus affligé, selon que ses pensées le traittoient, jusques à ce qu’il rencontra Silvandre entre les mains duquel il remit la lettre qu’il escrivoit à la bergere Astrée, et qui depuis fut cause de faire venir toute cette trouppe de bergeres et de bergers en ce lieu, où s’estant esgarêe, elle fut contrainte de se reposer en dessein de partir aussi tost que la lune commenceroit de paroistre. Mais la peine que ces bergeres avoient eue le jour et une partie de la nuict, avec la fraischeur du lieu, les assoupit d’un plus long sommeil qu’elles n’avoient pensé ; car tant s’en falut qu’elles se reveillassent lors que la lune se leva, que le jour estoit desja grand que les bergers mesmes estoient encor tous endormis. Au contraire le triste Celadon, suivant sa coustume, se leva de grand matin, afin de pouvoir entretenir ses pensées sans estre rencontré de personne, ayant ordinairement accoustumé de se lever à telle heure, afin de pouvoir sortir dehors quand chacun estoit encor endormy, et puis se renfermoit le plus souvent tant que le jour duroit.