Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/567

Cette page n’a pas encore été corrigée

à qui seroit le plus honneste homme. – Et que sont-ils devenus ? Respondis-je. – Les uns, me dit-elle, sont morts comme le pauvre Celadon ; les autres, affligez de ceste perte qui est encore fort freche, car il n’y a pas plus de trois ou quatre lunes, demeurent solitaires et se retirent de toutes compagnies comme Lycidas ; les autres, estonnez de ce desastre, ont quitté les rives de ce malheureux Lignon. Bref, nous-mesmes qui sommes demeurées, nous trouvons si estourdies de ce coup, que nous ne pouvons nous remettre. – Celadon, repliquay-je, n’estoit-ce pas ce berger dont j’ouys parler depuis que je fus icy ? – C’est celuy-là mesme, me dit-elle, avec un grand souspir. – Estoit-il de vos parents ? luy dis-je. – Non, dit-elle, au contraire, son pere et le mien estoient mortels ennemis. PMais, madame, c’estoit bien un des plus gentils bergers qui ayt jamais esté en cette contrée. Et quoy qu’il y eust une tres grande inimitié entre ceux de sa famille et de la mienne, si ne puis-je m’empescher de le regretter, tant il avoit de bonnes conditions qui contraignent chacun de ressentir sa perte. A ce mot elle changea de visage, et se mettant une main sur les veux, fit semblant de se frotter le front. Je cognus bien à ses discours que vous n’estiez point revenu vers elle depuis que je vous avois laissé, et cognoissant qu’elle. ne me pouvoit