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cela le changement de l’amant en l’aymé ne laisse pas de se faire. – Ce n’est pas donc qu’en une partie, dit Hylas, qui est l’ame, et qui par consequent est elle dont je me soucie le moins. – Et cela vous faites paroistre, dit Silvandre, que vous n’aymez point, ou que vous aymez contre la raison ; car l’ame ne se doit point abaisser à ce qui est moins qu’elle, et c’est pourquoy on dit que l’amour doit estre les esgaux l’ame aymer l’ame qui est son esgale, et non pas le corps, qui est son inferieur, et que la nature ne luy a donné que pour instrument. Or pour faire paroistre que l’amant devient l’aymé, et que, si vous aymiez bien Phillis, Hylas seroit Phillis, et si Phillis aymoit bien Hylas, Phillis serot Hylas, oyez c’est l’ame ; car ce n’est rien, berger qu’une volonté, qu’une memoire et qu’un entendement. Or si les plus sçavans disent que ous ne pourvons aymer que ce que nous cognoissons, et s’il est vray que l’entendement et la chose entendue ne sont qu’une mesme chose il s’ensuit que l’entendement de celuy qui ayme est le mesme qu’il ayme. Que si la volonté de l’amant ne doit en rien differer de celle de l’aymé, et s’il vit plus par la pensée, qui n’est qu’un effect de la memoire, que par la propre vie qu’il respire, qui doutera que la memoire, l’entendement, et la volonté estant chargée en ce qu’il ayme, son ame qui n’est autre chose que ces trois puissabces ne le soit de mesme ? –