cette excuse, et luy dis seulement qu’elle n’y retournast plus sans me deamnder congé.
Or ces choses estant en cest estat, Leriane ne craignant plus qu’on la peust convaincre de mensonge, resolut d’achever son malheureux dessein. Elle avoit deux cousins germains qui portoient les armes, et qui s’estoient acquis en toutes les armées où ils avoient esté, la reputation de tres-vaillants chevaliers. Ils estoient freres, si grands et forts, et si adoits aux armes, qu’il n’y avoit personne dans la Cour de Torrismonde qui les egallast. Au reste ilse estoient pauvres, et n’avoient autre esperance que celle d’estre heritiers de Leriane. Elle qui faisoit dessein de se servir de leur courage, les obligeoit par des presents, et par ses paroles leur faisoit entendre qu’ils devoient esperer d’avoir son bien ; ce qui les lioit de sorte qu’il n’y avoit commandement qu’elle leur fist, qu’ils n’essayssent d’executer.
Apres s’estre asseurée de leur volonté, elle commença de changer de discours en parlant à Leontidas, et à sa femme, disant que je reprenois courage, que je ne palois plus de me retirer du monde, qu j’oublois ce que je leur devois. Bref, quelques jours estans escoulez, elle leur dit qu’il ne faloit plus rien esperer de moy que par force, que je niois tout ce qui s’estoit passée. Et en disant cecy, elle feignoit d’estre tant offencée contre moy, qu’elle advouoit que j’estois indigne du bien