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fois qu’elle regardoit son ventre, et qu’elle songeoit au danger où elle estoit, elle ne disoit autre chose sinon : Ah ! Tersandre, que ton amitée me couste cher ! Cela me fait juger que c’est luy. Or, madame, considerez je pouvois me garder de cestuy-cy, estant domestique et homme de si basse qualité au prix d’elle, que je n’eusse jamais pensé qu’elle y eust daigné tourner les yeux. Mais puis qu’elle s’est rendue indigne de vostre alliance, il faut qu’elle soit punie comme elle merite et vous devez croire que Dieu l’a de ceste sorte punie et abandonnée pour la faire servir d’exemple aux autres de son aage. Cependant vous devez vous acquerir les biens que la fortune luy avoit preparez avec si peu de merites. Et en voicy le moyen : vous sçavez, madame, que par nos loix, toute fille qui manque à son honnesteté, est condamnée à mourir le feu. Nous la convaincrons de ceste faute fort aysément ; comme vous pouvez penser, puis qu’elle en a des tesmoignages dans le ventre, desquels elle ne se peut deffaire. Et parce que celles qui sont ainsi condamnées, ne perdent pas seulement la vie, mais le bien aussi qui eswt acquis au roy, il faut le luy demander des premiers, car il n’a garde de vous le refuser.

En ce mesme temps Leontidas entra das le cabinet, et trouvant Leriane : Est-il possible, dit-il à sa femme, que vous ayez le courage de voir ceste personne qui est cause de tout le desplaisir que nous avons ? Sa femme s’approchant de luy, desireuse