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mon courage altier refusast de tourner mes yeux sur un homme de si peu, si est-ce que l’affection que je portois à Damon, qui, comme que ce fust, me donnoit la volonté de le rappeller, me fit en fin condescendre à ce que voulut Leriane. Je commençay donc de faire plus de cas de Tersandre, et de parler quelquefois à luy, mais je m’ourois de honte, quand je prenois garde que quelqu’un me voyoit.

Damon, de qui l’affection estoit extreme, s’apperceut incontinent de ce changement, parce que Leriane avoit dit à Tersandre que la discretion avec laquelle il m’avoit servie avoit eu tant d’effect qu’en fin je l’aymois autant qu’il m’avoit aymée, et la moindre apparence qu’il en : remarquoit luy en faisoit croire au double, d’autant que j’avois accoustumé de vivre si differemment avec luy que les moindres parolles luy estoient de tres-grandes faveurs. Et, cela fut cause qu’il commença, de se relever plus que de coustume, et de porter plus haut qu’il ne souloit, abusé des vaines esperances qu’il se donnoit, et des menteries de ceste femme. De sorte que Damon apperceut bien tost ceste bonne chere, et repassant par sa memoire tout ce qu’il avoit veu, se ressouvint de la lettre qu’il m’avoit veu recevoir dans les gands, et de là tirant plusieurs desadvantageuses conclusions et contre luy et contre moy, il creut en fin que par la solicitation de Leriane, j’avois