de moy, me despita si fort, que je resolus de n’en aymer jamais d’autre. Et cela fut cause qu’avec un soin extréme je l’allois destournant des vices, à quoy son naturel le rendoit enclin, quelquesfois les luy blasmant en autruy et d’autresfois luy disant que mon humeur n’estoit point d’aimer ceux qui en estoient atteints. Le formant de cette sorte sur un nouveau modelle, lors que je cognus les conditions de ce chevalier changées, je l’aymay beaucoup plus que s’il fust venu me servir avec ces mesmes perfections, d’autant que chacun se plaist beaucoup plus en son ouvrage qu’en celuy d’autruy. Je vivois toutesfois si discrettement avec luy qu’il ne pust pour lors recognoistre au vray si je l’aymois, et me tenois tellement sur mes gardes qu’il n’avoit seulement la hardiesse de me declarer sa volonté par ses parolles : effect bien different de ceux que son outrecuidance avoit accoustumé de produire auparavant. Ce qu’on pourroit trouver estrange, si amour n’avoit fait autresfois des changements beaucoup plus contraires en maintes personnes. Et fin luy semblant que tout le service qu’il me rendoit estoit perdu, si je ne sçavais son intention, il resolut de prendre un peu plus de courage, et de hazarder cette fortune. Et parce qu’il creut de le pouvoir mieux faire par l’escriture que par les paroles, apres une
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