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y vois, et le desir que j’en ay pour vostre repos. – Je le cognois bien, repliqua Astrée, mais ma sœur, ressouvenez-vous que si j’avois creu que Celadon fust en vie, et qu’en fin je trouvasse qu’il fust mort, il n’y auroit rien qui me peust conserver la vie ; car ce seroit le perdre une seconde fois, et les dieux et mon cœur sçavent combien la premiere m’a conduitte pres du tombeau. – Encor vous doit-ce estre du contentement, respondit Phillis, de recognoistre que la mort n’a peu effacer l’affection qu’il vous portoit. – C’est, dit-elle, pour sa gloire et pour ma punition. – Mais plustost, dit Phillis, qu’estant mort il a veu clairement et sans nuage la pure et sincere amitié que vous luy portez, et que mesme cette jalouse qui estoit cause de vostre courroux, ne procedoit que d’une amour tresgrande. Car j’ay ouy dire que comme nos yeux voyent nos corps, de mesmes nos ames separées se voyent et recognoissent. Astrée respondit : Ce seroit bien la plus grande satisfaction que je puisse recevoir ; car je ne doute nullement, qu’autant que mon imprudence luy a donné de sujet d’ennuy, d’autant le veue qu’il auroit de ma bonne volonté, luy donneroit du contentement. Car si je ne l’ay plus aymé que toutes les choses du monde, et si je ne continue encores en cette mesme affection, que jamais les dieux ne m’ayment.