Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/312

Cette page n’a pas encore été corrigée

d m’en aller, je fis en sorte que, dés le soir mesme, un de mes amis, feignant de dancer avec elle, luy fit entendre que je m’en estois allé pour ne voir point ces malheureuses nopces, en intention de ne revenir jamais, mais que mon affection avoit eu tant de force sur moy, qu’il m’avoit esté impossible d’en demeurer plus long temps esloigné, et que par malheur j’estois arrivé en l’instant le plus fascheux que j’eusse peu rencontrer, que j’estois tellement hors de moy, qu’il m’estoit impossible de vivre, si elle ne me donnoit quelque asseurance que son amitié ne fust point changée. Elle alors, sans faire semblant de l’avoir ouy, tirant une bague de son doigt, la luy mit en main. Ce diamant, luy dit-elle, l’asseurera qu’il a moins de fermeté, que l’affection que je luy ay promise.

Or, je vous supplie, oyez ce qui en advint. Le soir mesme qu’elle se mit au lict, et à l’heure mesme, comme je crois, que Teombre l’avoit entre ses bras, j’estois couché et tenois sur mon estomac la main où j’avois mis cette bague, sans la remuer ; toutesfois je ne sçais comment elle m’entra dans la chair, et me fit une si profonde esgratigneure, que ma chemise en fut toute ensanglantée, et depuis la marque m’en est tousjours demeurée au droit du cœur. O dieux ! m’escriay-je soudain, pensant à l’outrage que Teombre me faisoit, combien est plus sensible, et