fait commettre ceste faute contre nostre amitié ; et pensant qu’il n’y auroit rien qui luy faschast d’avantage que de voir que je l’eusse quittée pour Dorinde, je me resolus par despit, de me despartir entierement d’elle, et de me donner tout à fait à l’aultre. La difficulté estoit de rapaiser Dorinde, mais j’avois fait resolution de souffrir toute rigueur, et tout desdain d’elle, plustost que je ne me vengeasse de Florice.
En ce dessein, apres que quelques jours se furent escoulez, je trouvay moyen de surprendre Dorinde en son cabinet ; car le desplaisir qu’elle avoit receu la faisoit demeurer plus retirée qu’elle ne souloit. Et ayant poussé la porte sur moy, je me jettay si promptement à genoux qu’elle n’eut pas le loisir de s’en aller ; et là, apres plusieurs pardons que je luy demanday, je luy declaray la verité : à sçavoir, que Florice m’ayant longuement aymé, afin de tenir nostre amitié plus secrette, m’avoit commandé de faire semblant de la rechercher, qu’au commencement je l’avois fait par feinte, et qu’en ce temps-là je luy portois toutes ses lettres ; mais depuis, venant à l’aymer à bon escient, que je ne luy en avois plus donné. – Ah ! menteur, me dist-elle, et ne m’a-t’elle pas apporté les dernieres que je t’ay escrites ? – Il est vray, luy respondis-je, qu’elle les a eues, mais c’est parce qu’elle me les a desrobées ; et si vous