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le tout à la raison, et voyons lequel elle aime le plus, et me dites par le serment que nous avons faict sur la tombe des deux amants, si vous recognoissez qu’elle vous aime, et quel tesmoignage elle vous en a donné. Il me respondit : Je vous jure, mon frere, que je ne vous mentiray jamais, ny en cecy, ny en chose quelconque que vous veuillez sçavoir de moy, non pas mesmes quand il y iroit cent fois de ma vie. Sçachez donc qu’il est impossible que je vous puisse asseurer si elle m’aime, estant si discrette que sa modestie cache tout ce qu’elle en pourroit avoir en l’ame. – Or puis, luy dis-je, que nous sommes en cet estat (car je ne recognois encores rien en elle, qui me soit plus avantageux qu’à vous, jurons par nostre amitié l’un à l’autre, et appellons-y toutes les deitez qui vengent plus rigoureusement le parjure, que le premier de nous qui retirera plus d’amitié d’elle, et qui en rendra plus de tesmoignage à l’autre, la possedera tout seul. Par ce moyen nous n’offenserons point nostre amitié, puis la raison sera celle, qui ordonnera de cet affaire, estant tres-raisonnable qu’à celuy qu’elle aymera le plus, l’autre la quitte et delaisse. – Je trouve, respondit Periandre, que vostre proposition est fort juste, car de s’en departir à cette heure, ce seroit faire un trop violent effort à nostre volonté ; ce que nous ne ferons pas, lors que celuy qui se verra mesprisé