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ce lieu où je faisois dessein de demeurer longuement, puis que l’amour le vouloit ainsi, je le jugeay personne de merite, et fus bien aise de l’avoir pour amy. Cela fut cause que nous estant rencontrez de mesme volonté, l’amitié fut plustost contractée entre luy et moy, que non pas avec Dorinde, quoy que Florice de son costé rapportast tout ce qui luy estoit possible, afin de mieux dissimuler. Mais la pauvrette ne prevoyoit pas qu’elle aiguisoit un fer qui luy feroit une bien cuisante blesseure ; parce que mon humeur n’estant pas de voir quelque chose de beau sans l’aimer peu à peu, je ne me donnay garde que je me trouvay amoureux aussi bien de Dorinde que de Florice. Toutesfois j’aimois encores d’avantage Florice, comme à la vérité plus belle, et qui tenoit plus de rang. Deux mois s’escoulerent de ceste sorte, et l’amitié de Periandre et de moy prit cependant un si grand accroissement, que d’ordinaire on nous appelloit le deux amis. Et parce que nous desirions de la conserver telle, afin de l’affermir d’avantage nous allasmes au sepulchre des deux amants, qui est hors de la porte qui a pris son nom de la pierre couppée ; et là, nous tenant chacun d’une main, et de l’autre des coings de la tombe, nous fismes, suivant la coustume du lieu, les serments reciproques d’une fidelle et parfaite amitié, appelant les ames