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Ah ! bergere, reprit Silvandre, qu’il est aisé de contrefaire ce que l’on ressent veritablement ! – Voilà pas, repliqua Diane, ce que je dis ? jamais je n’eusse creu que pour une feinte passion, l’on eust peu controuver des paroles et des actions si approchantes du vray. Ah ! Diane, continua le berger, combien sont mes actions et mes paroles impuissantes à declarer la verité de mon affection ! Si vous pouviez aussi bien voir mon cœur que mon visage, vous ne feriez pas ce jugement de moy ; car il faut enfin que je vous advoue, la gageure de Phillis avoir bien esté cause que ce berger (je ne sçay si je dois dire heureux ou mal-heureux) a eu plus souvent l’honneur d’estre prés de vous. Mais que je me sois arresté aux bornes de nostre gageure, ha ! belle maistresse, ne le croyez pas, vous avez trop de perfections, et j’ay eu trop de commodité de les recognoistre, pour ne les aimer que par semblant. Le Ciel me soit tesmoin, et j’en atteste les déitez de ces lieux solitaires, que je vous aime avec une aussi veritable affection comme il est vray que je suis Silavndre.

Ce qui estoit cause que le berger parloit de cette sorte, c’estoit qu’il voyoit bien que dans peu de jours le terme de trois mois finissoit et qu’apres il luy seroit beaucoup plus difficile de l’entretenir de son affection, recognoissoit assez l’humeur de cette bergere, de sorte qu’il se resolut de prevenir