de ces choses n’en rendroit pas moindre nostre bon-heur ? Alors Silvandre ouyt, qu’avec un grand souspir, le berger l’interrompit ainsi : Helas ! mon pere, que vostre discours semble estre veritable, pour tous ceux qui aiment, sinon pour moy ; car mon amitié a esté tant honneste, qu’il n’y a chaste vestale qui s’en eust peu offencer, et quand l’amour seroit le plus severe juge de tous les dieux, si suis-je tres asseuré qu’il ne sçauroit trouver subject de reprendre mon affection ; et toutesfois, quel amant a jamais esté plus rigoureusement traitté que je suis ? – Mon enfant, dit-il, il y a plusieurs choses qui sont de differents effects, selon les subjects qu’elles rencontrent. Et la reigle qui est droicte, n’est pas seulement pour tirer une ligne semblable, mais sert bien souvent pour faire cognoistre ce qui n’est pas droict. Les desastres aussi que vous ressentez, encores qu’en d’autres on les doive appeller punitions, en vous toutesfois, nous les nommerons des tesmoignages, et des espreuves d’amour, et de vertu ; qui en fin reussiront de telle sorte à vostre advantage, que vous pourrez dire avec raison, que vous n’eussiez jamais esté assez heureux, si vous n’eussiez esté trop malheureux. Et cependant soyez certain que vostre maistresse n’est pas à se repentir de sa faute, et du tort qu’elle vous a faict.
Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/155
Cette page n’a pas encore été corrigée